Faire voir les réalités sociales

La pratique créative du film, que ce soit en amateur, lors d’ateliers vidéo ou de manière professionnelle, est répandue en Fédération Wallonie-Bruxelles. En effet, la vidéo est un média qui offre un véritable espace de liberté et de création, et qui ne cesse d’étonner par sa force d’expression. Son utilisation lors d’ateliers avec des personnes socio-économiquement et/ou socio-culturellement défavorisées permet de produire des films, non pas « sur » mais « avec » elles. Quant au documentaire, il suppose un point de vue. Il ouvre les regards, amène à la réflexion et permet d’élargir la lecture du réel.

Pourtant, si les documentaires sociaux et les films citoyens bénéficient de nombreuses productions, ils sont rapidement confrontés à des problèmes de diffusion. Serait-ce à cause des sujets sensibles auxquels ils s’intéressent ? Parce qu’ils donnent la parole à ceux qui ne l’ont pas habituellement ? Parce qu’ils montrent certaines réalités dérangeantes ? Parce qu’ils sont considérés comme non rentables d’un point de vue commercial, comme politiquement incorrects, voire comme inintéressants pour l’establishment ?

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Face à ces difficultés à « faire voir », le Gsara souhaite créer un espace consacré à ces films témoins des réalités sociales actuelles, parce qu’ils sont le produit de l’expression citoyenne ou parce qu’ils traitent d’enjeux sociétaux majeurs. Il s’agit de faire vivre, de faire voyager ces réalisations souvent boycottées par les circuits habituels de diffusion.

Premier Festival en ligne de films sur les réalités en Belgique, le « Coupe Circuit » s’adresse aux créateurs de documentaires sociaux mais aussi aux associations, particuliers et acteurs divers qui produisent des films pensés comme des ressources pédagogiques ou qui mettent en place des ateliers de participation citoyenne débouchant sur des réalisations audiovisuelles… Et ils sont nombreux à le faire ! Nous souhaitons offrir un moyen de diffusion et de (re)connaissance à ces œuvres alternatives, sociales, collectives qui témoignent des réalités de terrain, qui sont le fruit de l’expression citoyenne, mais qui, faute de canaux de diffusion, passent trop souvent inaperçues.

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Nous avons rencontré les membres de notre jury et voici ce qu’ils pensent à propos de la problématique actuelle de diffusion des films associatifs, citoyens, pédagogiques.

Virginie Noël, responsable du secteur socioculturel au Centre Culturel Omar Khayam
« Je pense que le Coupe Circuit est pertinent pour offrir une visibilité à tous ces films faits par des associations. Il y a très peu de visibilité pour les films / outils audiovisuels que l’on fait et que les autres font. Qu’il y ait une plate-forme d’échange pour voir tous ces projets des uns et des autres, ce n’est pas fréquent. C’est intéressant de pouvoir échanger les pratiques et les réalités. »

Anne Closset, réalisatrice
« Je pense que l’on est aux balbutiements des canaux de diffusion pour ce genre de films. L’outil de diffusion internet est un outil de plus en plus employé, particulièrement par les jeunes et surtout pendant l’adolescence. Je vois qu’ils regardent beaucoup des films ou des conneries tout seul dans leur chambre… C’est donc important de leur montrer aussi autre chose. »

Foued Bellali, réalisateur et animateur d’ateliers vidéo
« La diffusion de film est très compliquée. A Bruxelles, seules de rares institutions qui en réalisent sont mises un peu en valeur auprès du grand public, mais les autres restent très peu visibles. En tant que réalisateur, il faut aller chercher le public tout seul, sans moyen, et ce n’est pas évident. De plus, j’ai l’impression que, lors de la diffusion, c’est plus un produit qui est mis en valeur au détriment de son utilisation. […] Le Coupe Circuit va mettre en valeur des contenus pédagogiques qui, la plupart du temps, ne trouvent pas leur place dans les festivals et autres lieux de diffusion, ou alors de manière très ponctuelle. »

Ronnie Ramirez, réalisateur et enseignant dans le monde du cinéma
« Maintenant, si je devais recommencer mon parcours, ce serait plus compliqué. Je pense que les portes d’accès au cinéma documentaire n’existent plus ; ces points d’entrée n’existent plus. Et mes films documentaires, qui ont été produits avec l’aide de la RTBF, appartiennent à un secteur de moins en moins soutenu par la télévision publique. Pareil pour la culture en général, elle est en fin de compte méprisée au sein de la télévision de service public. »

« Le cinéma documentaire en Belgique porte en lui une dimension éducative énorme, surtout le cinéma social qui devrait pouvoir être montré, distribué dans tous les espaces pédagogiques. Il faut amener la culture dans l’enseignement pour accompagner le travail du pédagogue. Actuellement, il n’y a pas de passerelle entre ces deux mondes. C’est pareil entre le monde du cinéma et le monde associatif ou même le citoyen et les mouvements sociaux… le cinéma est déconnecté organiquement, sauf quelques exceptions. Des passerelles sont donc nécessaires, surtout dans le climat de pauvreté, dans tous les sens du terme, qui règne aujourd’hui. »

Mélodie Bodson