Sommes-nous trop nombreux sur Terre ? Un sujet tabou ?

Éléments d’explication par Démographie Responsable

*L’opinion exprimée dans cet article n’engage que son auteur.

Démographie responsable est une association qui, en incitant à l’autolimitation de la natalité, a pour objet d’œuvrer pour la stabilisation, voire la diminution, de la population humaine. Excluant tout ce qui ne respecterait pas les droits humains ou qui remettrait en cause la liberté de procréer, notre démarche passe par une bonne information de chacun(e) sur les conséquences de la pression démographique pour les générations futures, les autres espèces et l’environnement.

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Un sujet tabou

Lorsque nous assistons dans plusieurs régions de la planète à des émeutes de la faim, aucune personnalité, aucun commentateur ne sous-entend qu’il y a peut-être un trop grand nombre d’humains à nourrir et que cela ne va cesser d’empirer.

Alors qu’on devrait s’interroger sur les raisons qui poussent la Chine, représentant à elle seule près du cinquième de la population de la planète, à avoir une politique aussi drastique de contrôle des naissances, les médias éludent la question en laissant supposer que c’est uniquement parce qu’on à affaire a un régime particulièrement autoritaire.

Ces deux exemples choisis parmi tant d’autres illustrent le fait qu’une part importante de nos élites évite de parler de ce sujet par trop délicat.

Mais pour quelles raisons le mutisme est-il de rigueur?

L’influence des religions

Pour la religion catholique  » Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa  » (Genèse 1, 27). En donnant dès le départ à l’humain un statut aussi élevé, le catholicisme ne pouvait être que nataliste: « Soyez féconds et multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez la ; ayez autorité sur les poissons de la mer et sur les oiseaux des cieux, sur tout ce qui est vivant et qui remue sur la terre (Genèse 1,28) « . Tout un programme…

La procréation étant sacralisée, l’avortement évidemment mais même la simple gestion des naissances au niveau de la cellule familiale (pilule, préservatifs…) sont prohibés. Avec une telle doctrine, la population peut ainsi croître indéfiniment…

Pour la religion musulmane, bien qu’elle commande à ses fidèles:  » Mariez-vous avec une femme qui vous aime et qui enfante : car je serai fier de votre multitude le jour du jugement », il faut reconnaître qu’elle leur laisse néanmoins le droit de maîtriser leur fécondité à condition toutefois que cela soit fait dans le cadre, assez restrictif, de l’éthique musulmane.

Finalement, quoique l’Islam soit plus nuancé, les deux religions s’accordent cependant pour inciter à la natalité. En conséquence, lorsqu’on critique la croissance démographique, on se retrouve confronté aux croyants, mais également aux non-croyants encore imprégnés de la part d’héritage culturel religieux présente dans nos valeurs communes.

L’influence des courants politiques

– Pour la droite « extrême », un pays n’est puissant que s’il possède une forte démographie, un surplus de naissances fournissant aux armées le contingent de soldats indispensable à une politique expansionniste. Si cette approche est abandonnée de nos jours en Europe, elle n’a pas pour autant disparu de la tête de certains dirigeants d’autres pays…

Assez proche du précédent, il existe un courant qui, conscient du problème de la surpopulation, encourage une course suicidaire à la natalité occidentale blanche pour contrer celle des pays du sud.

– Pour les libéraux de droite et les sociaux-libéraux de gauche qui ont en commun d’adhérer au capitalisme marchand, la croissance démographique est une bonne chose car elle est suivie d’une augmentation de la consommation et finalement aide à maintenir la croissance économique. Cette élite politique et patronale, de loin la plus nombreuse et la plus influente au sein des partis de gouvernement, parfois même regroupée en lobbies et ayant un accès privilégié aux médias encourage donc le système nataliste des allocations familiales.

– Pour la gauche anti-libérale, encore bercée par l’illusion du grand soir, il est hors de question d’imposer aux masses laborieuses une quelconque restriction de leur droit à la procréation. Au fil du siècle dernier, on est ainsi passé de la constitution d’une « armée des travailleurs » à celle d’une clientèle d’électeurs. Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que cette stratégie ne fonctionne pas si bien puisque depuis une vingtaine d’années, les ouvriers ne votent plus particulièrement à gauche…

– Pour de nombreux écologistes, le réchauffement climatique ayant été provoqué par les pays riches, la surpopulation n’est pas en cause et la seule urgence est de faire baisser le niveau de consommation et de pollution. Ils n’ont malheureusement pas encore compris que d’une part les occidentaux ne vont pas franchement se serrer la ceinture et que d’autre part, les habitants du sud voulant légitimement accéder au niveau de vie de ceux du nord, les problèmes environnementaux vont immanquablement s’aggraver.

– Pour beaucoup de « tiers-mondistes » (mais pas uniquement pour eux) tenter d’agir sur la forte croissance démographique du sud s’apparente à du néo-colonialisme. Chargés d’un lourd fardeau de mauvaise conscience, à cause d’un passif colonial bien réel, ils s’interdisent ce genre de démarche. Il n’est pas non plus défendu de penser que ce courant nourrit inconsciemment l’espoir secret que la « troupe des affamés » débarrassera un jour la planète de ses oppresseurs.

Chair à canon, foule de consommateurs, armée de prolétaires, clientèle d’électeurs ou horde d’affamés, en réalité sous couvert de liberté individuelle, dans de nombreux cas on assiste encore à une véritable instrumentalisation de la natalité.

L’influence de la pensée humaniste

Lorsqu’on aborde le sujet de la limitation volontaire des naissances, on se heurte à la crainte de la remise en cause d’une liberté fondamentale de l’humain: le droit à la procréation et même si ce n’est absolument pas le cas, les plus ardents défenseurs des « droits de la personne » montent instinctivement au créneau. Mais plus profondément, en proposant de stopper sa croissance on désacralise l’être humain. Cela est très dur à supporter pour les humanistes qui ont une confiance absolue dans le « génie » de notre espèce.

Quelle issue ?

La longue liste des forces opposées à toute régulation des naissances montre que la « démographie responsable » a fort à faire. Heureusement c’est le peuple et non les partis politiques qui constitue le fondement de notre démocratie. Et on peut raisonnablement penser qu’avec l’ouverture d’un véritable débat sur le sujet, la population, sensible aux arguments de bon sens et de précaution, saura répondre à la question suivante: peut-on croître indéfiniment dans un monde fini ?

Plus d’infos : www.demographie-responsable.org/