Carte blanche d’une stagiaire au sein de l’émission Viva For Life.
En tant qu’étudiante en communication, j’ai eu l’occasion d’effectuer trois stages dans les médias, les deux premiers en tant que journaliste. Ensuite est venu le choix difficile du troisième et dernier stage. Celui « qui met bien la pression » car il est considéré comme un potentiel tremplin pour accéder à notre futur métier. J’avais donc envie de dénicher un stage qui me convenait et qui me plaisait. Je cherchais quelque chose s’apparentant à du documentaire ou à du journalisme d’investigation en audiovisuel. Je voulais quelque chose de fin, d’humain, qui prend le temps de découvrir, de rassembler et puis de transmettre au public, en essayant d’être le plus fidèle à la réalité du sujet traité. C’est alors qu’on m’a parlé du projet Viva for Life. Malgré le fait que je trouvais le concept profondément dérangeant, j’admets m’être laissé séduire par la proposition que l’on me faisait, de pouvoir prendre part à la première édition d’une opération de cette ampleur et en plus au sein de la RTBF, média de taille en Belgique.
Le stage a commencé et j’ai donc découvert lentement comment s’organisait une telle opération médiatique. C’était fascinant de voir autant de gens réunis, chacun ayant une mission bien précise et chacune de ces missions menant vers la réalisation, petit à petit, du produit fini. Il y avait constamment des réunions « toutes cellules confondues » durant lesquelles les personnes réunies autour de la table proposaient leurs idées, quels artistes ils pensaient inviter, quels types de défis pouvaient être réalisés et quels objets pouvaient être mis aux enchères. Ebahie, je découvrais petit à petit que la place accordée à la précarité était moindre, mais que les vraies stars sous les projecteurs étaient les trois animateurs qui seraient enfermés dans le studio de verre. Il fallait tout savoir d’eux, faire des interviews d’eux expliquant pourquoi ils acceptaient de participer à l’opération, filmer leurs adieux déchirants à leur famille à l’entrée du studio de verre, imaginer le scénario d’une fouille de leurs valises au cours de laquelle un huissier y découvrirait de la nourriture solide « dissimulée »… Bref, l’énergie des réunions me semblait être entièrement dévouée à la mise sur pied d’éléments divertissants.
Une fois mon stage terminé, restant étonnée de m’être sentie seule concernée par le manque d’analyse et de dimension éducative octroyées au sujet principal de l’opération : la précarité infantile en Belgique francophone, je me suis demandé si c’était moi qui faisait fausse route ou s’il s’agissait d’un manquement de la RTBF, chaîne publique francophone nationale. J’ai donc cherché à en savoir plus sur la mission de chaîne publique.
Pour ce faire, j’ai commencé par analyser des documents desquels proviennent une définition de ce qui constitue la mission de chaîne publique : le « Contrat de gestion de la RTBF (2013-2017) » ainsi que la « Charte de l’identité et des valeurs de la RTBF » et enfin, le « Règlement d’ordre intérieur relatif au traitement de l’information et à la déontologie du personnel » de la RTBF, tous accessibles sur internet. Ensuite, j’ai analysé le contenu communicationnel qu’a produit Viva for Life via chacun des médias utilisés par l’opération : la radio, la télévision, internet (site internet, réseaux sociaux, newsletter, émission quotidienne) et divisé ce contenu en plusieurs catégories élaborées par moi-même et ma propre sensibilité (communication portant sur les artistes, communication portant sur les trois animateurs du studio de verre, communication portant sur la précarité en Belgique francophone, etc.).
Une fois arrivée au bout de cette longue analyse, il m’a semblé clair que la mission de chaîne publique, telle que le définit la RTBF elle-même au sein des documents cités plus haut, n’est pas suffisamment présente au sein de Viva for Life.
Par exemple, la RTBF considère que l’éducation est un élément important de son rôle de chaîne publique : « La RTBF considère que l’éducation, dans un monde où les repères fluctuent sans cesse, est un des moyens de le décoder et que l’accès à la connaissance, à la compréhension des enjeux et à leur évaluation avec un regard critique participe à son rôle de service public1 ».
Or, l’opération Viva for Life, qui est une opération de récolte de fonds destinée à financer des associations venant en aide à la pauvreté infantile en Belgique francophone, n’aborde que très peu la problématique au centre de sa raison d’être. Selon mon analyse détaillée du contenu, lors de sa première édition, l’opération n’a octroyé que 5,3% de son contenu à aborder la précarité infantile en Belgique francophone. Plus de 80% du contenu communiquait à propos des artistes présents, à propos du vécu des 3 animateurs du studio de verre, à propos des enchères, défis et actions mis sur pied ou encore à propos de thèmes divers s’apparentant à du divertissement et à de l’émotion.
Il me semble pourtant difficile de concevoir que l’on puisse aborder la problématique qui est censée être au cœur de l’opération sans s’attarder à essayer de la comprendre, de l’expliquer. D’autant plus quand la RTBF se définit également comme telle : « La RTBF se veut encore indépendante sur le plan éditorial et opérationnel, investiguant, sondant, fouillant les sujets et thématiques au cœur du public, réagissant et analysant avec curiosité, intelligence et rigueur, agissant libre de toute influence politique, commerciale ou autre, posant ses choix uniquement dans l’intérêt du public, libre de contester la suprématie du plus fort, de remettre en cause les idéologies dominantes et de contribuer à former des citoyens avertis, en faisant preuve d’autonomie à tous les niveaux de sa mission, notamment la programmation, la prise de décisions éditoriales et les questions de personnel2 ».
Ou encore comme ceci : « La RTBF estime aussi que le divertissement, qui est au cœur de nos cultures, de notre vie quotidienne, et qui est source d’épanouissement et de partage d’émotions dans les moments forts, doit être stimulateur et révélateur de talents, et animer sa fierté de créer3 ».
L’opération Viva for Life permet-elle de mettre en lumière un problème sociétal ? Est-elle réellement construite sur un axe éducatif ? Permet-elle à son public de comprendre les enjeux et ce, avec un regard critique ? En tant que programme de divertissement, se révèle-t-elle stimulante et révélatrice de talents ? Fournit-elle à son public les clés lui permettant de remettre en cause les idéologies dominantes ? Quelle est au fond la raison d’être de Viva for Life ?
Une stagiaire au sein de Viva for Life
1. [Source: Contrat de gestion de la Rtbf 2014-2017, p.3, http://csa.be]
2. [Source: Contrat de gestion de la Rtbf 2014-2017, p.3-4, http://csa.be]
3. [Source: Contrat de gestion de la Rtbf 2014-2017, p.3-4, http://csa.be]