Mon intention première en entamant cet article était de contribuer à notre rubrique « Mémoire(s) » et d’essayer de cerner les implications d’une nouvelle technologie comme la blockchain dans le champ de la mémoire. Je n’y suis pas parvenu, ce sera pour un prochain numéro. Les déjà nombreuses sources d’information disponibles sur le web partent dans tous les sens : économie, politique, citoyen, artistique. Je vous relaterai donc ici l’état d’une réflexion en cours, pas mûre du tout. Autour de moi, dans le monde associatif, parmi mes quelques contacts dans le monde de la justice, des institutions ou du coté du monde politique régional (je suis de Charleroi), quand j’évoque le mot blockchain, c’est le grand néant. Personne ne semble au courant du tsunami annoncé. Je m’autorise donc en cette édition estivale un petit détour du côté de la blockchain. Un sujet qui ne concerne pas spécifiquement le domaine audiovisuel mais qui, en tant qu’acteur associatif, concerne le GSARA, ses travailleurs et finalement les citoyens préoccupés.
NB: plus que d’autre, cet article se lit avec la souris en main, les liens sont là pour être consultés !
La promesse que nous fait le monde technophile aujourd’hui est que cette nouvelle technologie, la blockchain, pourrait être très disruptive. Au moins aussi disruptive pour le concept de « transaction » que le développement du web l’a été pour le concept d’ « information ».
Mon raisonnement dans cet article est donc de mettre en parallèle ce big-bang de l’ « information » qu’a été la venue du web avec le big-bang attendu pour les « transactions » : un nouvel écosystème, un nouveau monde ….
Définition
Blockchain. Cette expression, pouvant être traduite par « chaine de bloc », représente la base de données des échanges d’une application décentralisée. La plus connue à ce jour est celle du Bitcoin, dont la technologie d’enregistrement des transactions pourrait réinventer le métier des banques. Aujourd’hui, l’enjeu de la Blockchain réside dans le transfert de confiance des utilisateurs. Nous passons d’un modèle de confiance basé sur les entreprises ou institutions à un modèle basé sur un protocole et une communauté décentralisée. (https://www.maddyness.com/innovation/2015/11/24/applications-blockchain/)
D’où vient la blockchain ?
2008, contexte de crise. Création de monnaies numériques sans intermédiaires : le bitcoin : Système plus sûr (pas de « chèque en bois », pas d’hyper-trading) qui se passe d’organisme de certification, d’autorité jouant le rôle de « garantie » (typiquement dans le système actuel : les banques centrales) .
On se paie entre utilisateurs, on valide les transactions entre utilisateurs, chacun possède (une partie) le livre des comptes. Tout est traçable. C’est une infrastructure p2p.
Au point de vue de la gestion de cet eco – système, du contexte technologique (et finalement politique), sa régulation : c’est le consensus entre les utilisateurs qui prévaut. Une majorité d’utilisateurs adopte une technologie (une monnaie, un taux de change, une infrastructure, une blockchain, …)
Les avantages de la BC sur un système de transactions classique :
– Diminution des coûts
– Traçabilité
– Consensus distribué
– Décentralisation= sécurité
- Les banques sont sur le coup
Copyright: CapGemini
Domaines d’application
Il existe des blockchains publiques, ouvertes à tous, et des blockchains privées, dont l’accès et l’utilisation sont limitées à un certain nombre d’acteurs.
Les champs d’exploitation sont immenses : finance, assurance, immobilier, santé, divertissement, transports, vote en ligne… De façon générale, des blockchains pourraient remplacer la plupart des « tiers de confiance » centralisés (métiers de banques, notaires, cadastre,…) par des systèmes informatiques distribués.
Par exemple dans le domaine de l’entreprise organisée sur une structure direction>management>ouvrier producteur : on en annonce le déclin. La forme actuelle d’une entreprise du secteur tertiaire, son rôle d’intermédiaire entre l’acheteur et le producteur parallèlement appelé à disparaitre.
Par exemple, l’étude de notaire pourrait être, dans de nombreux cas remplacée par les services de : FATCOM, making the world’s system honest. Fatcom permet simplement de certifier :
– L’existence de documents
– L’évolution des différentes versions d’un même document
– Les modifications apportées à un document dans le temps
On pourra ainsi opérer une transaction garantie entre vendeur et acheteur. Le regroupement de ces acteurs de la vie économique sera beaucoup plus aisé. On pourra « créer » une entreprise, un projet économique véritable besoin d’une hiérarchie qui « garantirait » la transaction, signerait le contrat, établirait le barême de la rémunération de chacun (sic), etc.
Certains vulgarisateurs de la blockchain usent d’une autre image : une chambre d’hôtel pourra, théoriquement, se louer seule, commander son nettoyage, etc ….
En poussant la logique au bout, on pourrait dire que le patrimoine va s’entretenir tout seul. Sans chaîne de contrôle de prise de décision, sans intervention d’un directeur, d’un commercial, etc …
L’ouverture et la décentralisation effective de notre système économique fait dire aux uns et aux autres que le « travail », le « contrat », l’ « économie » s’en trouveront plus démocratiques car moins centralisés et moins inter-médiés. Reste à voir comment on applique ces nouvelles possibilités de gestion. Quelles conditions l’on veut voir inscrites dans les contrats que certifie la machine ?
À l’heure actuelle, seuls les financiers les plus audacieux se sont positionnés pour utiliser – dès aujourd’hui – ces transactions qui restent pour l’instant monétaires. Principalement en bitcoins.
Il ne faut pas oublier que tout le système de la crypto-monnaie bitcoin repose sur le travail des machines qui « minent » et certifient les contrats. Et ces machines doivent représenter une puissance de calcul-monstre. Cela nécessite des investissements-monstres également. Par contre, une blockchain ouverte pourrait facilement se contenter de la puissance de calcul additionnée des ordinateurs des internautes (voir le projet Ethereum).
Au-delà du Bitcoin
Le projet plantoid tente d’éveiller aux premières possibilités qui s’offrent concrètement aux particuliers. Le collectif d’artistes O’Khaos a créé une sculpture connectée et laisse maintenant le projet évoluer seul, au gré de la contribution des internautes.
Les sculptures Plantoid sont équipées d’un nano-ordinateur Raspberry Pi et d’une adresse dans la blockchain ce qui permet aux souscripteurs de les alimenter en bitcoins. Une fois un certain montant atteint, le projet génère la possibilité de créer une nouvelle version de la sculpture par l’embauche (et la rémunération) d’un artiste. L’arbre de l’évolution Plantoid peut générer plusieurs branches si le succès est au rendez-vous. (‘in : http://www.makery.info/2016/04/19/plantoid-la-conscience-ecologique-par-lart-blockchain/)
Ce projet nous montre qu’il est impératif qu’il y ait des « conditions » à ces paiements. Ces conditions doivent être inscrites dans le « smart contract » qui valide les transactions.
Si l’on voulait construire une blockchain publique dédiée à l’automatisation, par exemple, des transactions assurées par le Forem, on demanderait aux programmeurs des algorithmes qui définissent la blockchain (celle sur laquelle on est – il peut y en avoir plusieurs différentes) de traduire les règlements du travail, les conventions collectives et les résultats du « dialogue social » (ndlr : comme on dit au JT) en formules mathématiques et langage de programmation. C’est faisable théoriquement mais ça demande des compétences encore inédites, au croisement du droit et de la programmation.
Si les acteurs du monde public et associatif ne font pas émerger ces enjeux, le secteur privé aura, une nouvelle fois, une bonne longueur d’avance. Alors que, fondamentalement, cette technologie ouvre des portes pour le plus grand nombre.
Le Huffington Post publiait un article à ce sujet en mars dernier : « Sans Blockchain publique, pas de remise en cause du statu quo du système financier ». Son titre un peu alarmiste, l’article se voudrait rassurant :
« la stratégie adoptée à ce jour nous semble assez peu pertinente : pour éviter de perdre leur rôle de tiers de confiance, les financiers travaillent à la constitution de réseaux privés. Une « blockchain privée » : c’est, selon nous, un oxymore sans perspective. »
L’auteur qui est également le président de « Bitcoin-France » plaide pour que l’État investisse ce champ rapidement et soit attentif aux enjeux de liberté et d’innovation.
Voilà très rapidement tracée, la réflexion civique qui émerge aujourd’hui suite à l’expérience Bitcoin. Pour allez plus loin, je vous invite à poursuivre la lecture.
>> La blockchain ! Du Web à la chaîne, enjeux civiques
—Liens – – –
http://www.paristechreview.com/2016/03/23/explosion-cambrienne-blockchain/
Plantoid met en jeu un réseau génératif et évolutif de sculptures interactives de plantes qui trouvent les moyens de leur évolution dans le minage blockchain.
Bernard Fostier, responsable régional au GSARA